LE PAYS DES ÂMES (a jazz fable)

2011. 71 min. hd. couleur.

film complet | full movie

L’intrusion du fantastique dans le cinéma de Godin se présente comme un passage organique de la réalité à l’onirisme, médié par des éléments concrets. Ainsi, dans son premier long métrage, Le Pays des âmes (a jazz fable), un simple appel peut relier la protagoniste à un autre plan de l’existence, un monologue émouvant peut devenir le déclencheur de l’effondrement du corps et de l’esprit, et une chirurgie pratiquée par l’être aimé peut se transformer en rituel de salut pour une âme. Béatrice traverse le deuil de la mort de son compagnon, disparu dans des circonstances confuses, laissant en elle un amas de mots jamais prononcés. Dans sa quête pour entrer en contact avec l’être aimé après sa mort, le diable trouve le moyen de la désorienter et de la guider lui aussi vers la terre des âmes. Godin met en scène une forme performative médiatisée par le dialogue – qui agit comme créateur d’univers parallèles – en proposant un cinéma qui instaure sa réalité dès lors qu’il la nomme. La performance est en outre traversée par le jazz joué par les personnages eux-mêmes, comme si la bande sonore du film se composait à l’intérieur même de la diégèse. Ce cinéma à forte influence littéraire parvient à transformer une économie scrupuleuse de moyens en un trait esthétique et construit une poétique singulière du langage, qui progresse comme un élan vers une création inventive. Par l’expérimentation et la plasticité des détails, Godin amène le spectateur à sceller un pacte avec le monde immatériel, où l’amour demeure la seule force terrestre capable de triompher de la mort.

The intrusion of the fantastic in Godin’s cinema appears as an organic transition from reality to oneirism, mediated by practical elements. Thus, in his first feature film, La Patrie des âmes (A Jazz Fable), a phone call can connect the protagonist to another plane of existence, an emotional monologue can trigger the collapse of body and spirit, and a surgery performed by the loved one can become the ritual for the salvation of a soul. Béatrice undergoes the mourning of her partner’s death, who passed away under confusing circumstances, leaving her with a heap of unspoken words. In her quest to reach the loved one after death, the devil finds a way to disorient her and lead her as well into the land of souls. Godin crafts a performative staging mediated by dialogue – functioning as a creator of alternate universes – proposing a cinema that establishes its reality by naming it. The performance is also permeated by jazz, performed by the characters themselves, as if the film’s soundtrack were designed within the very diegesis of the film. This cinema, strongly influenced by literature, manages to turn a meticulous economy of means into an aesthetic feature, constructing a singular poetics of language that advances as a driving force for ingenious creation. Through experimentation and the plasticity of details, Godin leads the spectator to make a pact with the immaterial world, where love remains the only earthly force capable of overcoming death.

texte : melissa mira sanchez (cinemancia 2025)

AVEC : ève duranceau, philippe battikha, luc proulx, étienne lebel.

ÉQUIPE : écriture, montage, production et réalisation : olivier godin, direction photo : luc st-pierre, direction artistique : maxime brouillet.

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